Tribunal Administratif du Logement (ex-régie), nominatif et public!


Je ne peux pas dire à votre place si vous devez ou non faire valoir vos droits dans une situation. Ni vous donner du conseil juridique ce qui est le rôle d’un avocat.

Néanmoins avant même d’avoir un litige, ou avant même de louer (ce qui je vous le souhaite se fera sans embûche pour vous), il me semble important que vous connaissiez cette particularité du système au Québec et dans quelques autres provinces/juridictions: les jugements du Tribunal Administratif du Logement (TAL) sont publics. À noter que le TAL est le successeur de la Régie du Logement (RDL) dont les jugements étaient déjà publics.

logement maison ou immeuble

Accéder aux jugements

Les jugements sont accessibles depuis un certain nombre de sources: on pensera certes aux outils d’enquête pré-locatives (qui sont loin d’être uniquement des “enquêtes de crédit”), mais il est également aisé d’y accéder à travers d’un certain nombre d’outils tels que:

Chaque outil présente ses forces et ses faiblesses et il y a même de curieuses façons de les combiner, je ne rentrerais pas dans le détail à ce sujet mais lorsqu’un jugement fait ressortir un “nom” il reste souvent l’enjeu d’une possible homonymie.

Gagnants comme perdants, les noms des parties sont publiées

De manière générale, les jugements du TAL sont non seulement publics, ce qui peut aider à comprendre la justice et à déterminer la jurisprudence, mais ils sont aussi nominatifs, avec le nom des parties, gagnant comme perdant.

En fait il y a des subtilités: souvent le nom du propriétaire est moins évident que celui du locataire parce que souvent le propriétaire est au sens strict une compagnie à numéros: du genre 123456890123 Canada INC ou 123456890123 Quebec Inc (les numéros étant ici fictifs et un peu plus long qu’en vrai, il s’agit de donner un exemple). Le nom du propriétaire dans un jugement ou une procédure n’est donc pas forcément celui par lequel il est connu.

Le plumitif fait également ressortir l’adresse du logement d’un dossier.

Se faire une idée du propriétaire et futur logement

Bien que les outils soient souvent utilisés par les propriétaires pour choisir leurs locataires, un locataire doit aussi bien choisir son propriétaire. Après tout, pour ne pas avoir de jugement à son nom, autant utiliser en amont toute l’information disponible pour éviter les problèmes.

À ce titre, il est possible de faire une recherche par adresse via le plumitif puis accéder ensuite à la liste des résultats.

J’insiste toutefois sur un fait: même de bons propriétaires passent fréquemment au tribunal, c’est la chose à faire lorsqu’un locataire ne paye pas et doit être mis à la porte pour qu’un payeur puisse ensuite être logé… De plus une allégation n’est pas forcément un fait vérifié.

Il y a donc un enjeu d’apprendre à lire et comprendre les jugements du tribunal pour trouver des indices de situations relevant de la responsabilité du propriétaire que ce soit sur l’état des logements d’un immeuble ou un autre sujet. Il y a aussi les logements qui changent de propriétaires, les propriétaires qui changent eux même de propriétaire (la revente de la compagnie détenant le bien), etc. Les cartes peuvent parfois être un peu brouillées.

Ce post ne saurait être en aucun cas suffisant pour vous dire ce qui est acceptable ou non.

Écarter des mauvais conseils de ceux qui ne vous disent pas tout

Certains “groupes de défense” sous couvert de bonnes intentions ont des personnes qui incitent des locataires à se mettre dans une situation où ils iront au tribunal. Je dirais de bien choisir qui vous conseille. Allez voir un avocat au besoin pour savoir ce qu’il y a à gagner dans une procédure.

Si un locataire va au tribunal, cela ne devrait pas être à son détriment dans le cadre d’une guerre idéologique qui le dépasse sauf s’il y consent lui-même.

Je suis conscient que des groupes de locataires ont des points légitimes, que des groupes de propriétaires aussi, qu’il y a des enjeux de politique publique dans la situation du marché, etc. Mais de mon sens, ceux qui se dirigent progressivement vers le tribunal devraient savoir à l’avance ce qui est nominatif et public et les implications stratégiques.

Si quelqu’un vous pousse à aller vers le tribunal, il est bon de constater s’il divulgue proactivement les implications.

Notez que l’objet de mon post n’est ni d’approuver les injustices d’une situation ni celles sociétales ni les pertes d’argent. Le système a ses défauts j’en conviens même si je n’épilogue pas la dessus. L’objectif du post est de donner quelques informations trop méconnues afin que chacun puisse mettre lui-même les choses en perspective.

En cas de besoin de conseil juridique, si vous n’avez pas de service d’assistance juridique, recherchez un bon avocat, capable de vous dire l’heure juste, capable de tenter une entente raisonnable, et capable d’argumenter si nécessaire correctement un dossier en fournissant des preuves solides.

Légale ou non, la discrimination des candidats-locataires existe

Dire que les jugements sont nominatifs et publics n’est que la moitié de l’équation. En plus de ça leur contenu est utilisé dans le cadre de décisions, notamment pour choisir quel candidat va habiter un logement… En particulier dans une situation de crise du logement et lorsque le logement est suffisamment correct pour attirer les candidats…

Certains locataires sont clairement des locataires à problème et un propriétaire a toute légitimité de les écarter dans son processus d’affaires. À vrai dire si moins de personnes avaient des raisons d’avoir peur des mauvais locataires, il y aurait peut être plus d’offre face à la demande…

Mais est-ce que ça s’arrête au filtrage légitime? Pensez-vous que les propriétaires aiment tous se retrouver avec des locataires qui vont en justice faire valoir leurs droits?

Voici ce que dit un article du code civil du Québec:

1899. Le locateur ne peut refuser de consentir un bail à une personne, refuser de la maintenir dans ses droits ou lui imposer des conditions plus onéreuses pour le seul motif qu’elle est enceinte ou qu’elle a un ou plusieurs enfants, à moins que son refus ne soit justifié par les dimensions du logement; il ne peut, non plus, agir ainsi pour le seul motif que cette personne a exercé un droit qui lui est accordé en vertu du présent chapitre ou en vertu de la Loi sur le Tribunal administratif du logement (chapitre T-15.01).
Il peut être attribué des dommages-intérêts punitifs en cas de violation de cette disposition.”


1991, c. 64, a. 1899; 2019, c. 28, a. 158.

Ce n’est pas mon rôle que de vous donner le détail des implications de cet article et encore moins du conseil.

Néanmoins quelques questions me semblent non évidentes:

  • Pensez-vous qu’il est facilement prouvable qu’un propriétaire a agi sous le seul motif d’un jugement public auquel il peut même accéder sans laisser de traces?
  • Que faire lorsqu’il n’y a pas de refus, pas même de candidature et que le propriétaire débordé remplit facilement son emploi du temps à rencontrer d’autres gens pour les visites? (Vous savez la nouvelle tendance des propriétaires qui ont déjà le nom de leur futur candidat via le formulaire de contact ou facebook marketplace plutôt que de répondre en live au téléphone)
  • Comment faire face à des propriétaires qui ne disent même pas que la candidature est la seule qui sera étudiée? Comment accuser de seul motif quelqu’un qui pourra facilement dire qu’il a simplement accepté quelqu’un d’autre pour son logement?
  • Combien de discriminations interdites selon 1899 ont lieu chaque mois voire chaque jour, en 2024 combien ont gagné un dossier parce qu’un nouveau bail leur a été illégalement refusé en raisons des actions passées pour faire valoir ses droits? (je ne dois pas être assez doué pour en trouver beaucoup sur soquij…)
  • Ceux discriminés risquent ils de devoir se battre une fois ou d’être pénalisés à chaque projet de déménagement?
  • La discrimination illégale au Québec selon l’article cité empêche t-il que la même information nuise dans un autre contexte que le logement ou en dehors du Québec?

Je ne vous oblige pas à adhérer à ma perspective qui vraiment ne vaut pas conseil, mais si vous décidez de voir un professionnel du conseil (un avocat) vous pouvez le faire de manière proactive avec votre liste de questions 😉

Conclusion

Faute de vous donner un conseil, j’espère avoir amené à quelques lecteurs un sujet d’une manière qui leur sera utile pour éviter les troubles inutiles.

Bien sûr cet article est loin d’être le seul sur la thématique du logement au Canada, et j’espère vous en fournir d’autres prochainement.